Artistes et musiciens de rue
Posté par corto74 le 28 décembre 2010
« J’aimerais contenter les foules, oui, j’aimerais ! Parce qu’elles vivent et qu’elles nous font vivre. Voici nos tréteaux installés, nos planches à peine fixées, et ils sont déjà là, tranquilles, le sourcil dressé, l’oeil écarquillé, tout prêts à s’émerveiller. Et chacun d’eux se promet une fête… Et ce miracle qui touche et réunit tant d’êtres si divers, c’est l’ouvrage du poète. »
Goethe, extrait du Prélude sur le théâtre qui introduit Faust (traduction Michel Bataillon)
Contenter les foules, tel était le rôle des artistes au temps de l’âge d’or de notre culture européenne ! Mais aujourd’hui, où notre culture est organisée par un ministère, les artistes sont les otages de l’état qui détient le nerf de la guerre : l’argent. La plus grande partie des financements est absorbée par les grandes machines subventionnées : maisons d’opéra, théâtres nationaux, etc., les collectivités locales s’occupant des théâtres et associations artistiques de province.
On peut dire qu’à cet égard c’est le plus grand arbitraire qui prévaut, les projets artistiques étant tributaires des changements politiques. Je n’en veux pour preuve que ce festival des « Musiques de rues » de Besançon qui, après deux ans d’efforts payés par un réel succès populaire dépassant de loin, et les limites de la ville, et les limites de la région, a été obligé d’annoncer à son public, à l’occasion de la troisième performance, que ce serait la dernière, la nouvelle municipalité socialiste ayant décidé d’annuler ce festival de rue, populaire et gratuit.
Ajoutez à cela la modification du statut des intermittents du spectacle, demandée par le MEDEF, négociée et signée de manière déloyale par un syndicat minoritaire, qui, en s’attaquant aux artistes s’en est aussi pris à leurs employeurs : les petits patrons du secteur culturel faisant travailler plus de 80 % des artistes du pays !
Pour faire bonne mesure on a aussi coupé dans les budgets alloués à la culture et les petits propriétaires de salles ont été dans l’incapacité de rémunérer les artistes. Il se sont alors contentés de louer leurs salles à des maisons de production qui y produisirent leurs propres artistes.
Et c’est ainsi que des milliers d’artistes ont été jetés à la rue, seul espace de liberté qui leur reste, et où ils jouent gratuitement.
Si au détour d’une rue ou d’une place, tu croises la route d’un musicien, passant, arrête-toi et écoute-le : il a besoin de toi, mais toi, tu as peut-être encore plus, besoin de lui. Il te rappellera que, comme l’écrit Cassandre sur son blog, relayé par Didier Goux :
«En Occident et tout particulièrement en France, la rue citadine a toujours été un lieu d’étonnements et de découvertes, un lieu de plaisir et de spectacle, un lieu d’échanges et de mélanges où hommes et femmes, jeunes et vieux, riches et pauvres, compatriotes et étrangers sont heureux de se côtoyer et le font paisiblement, bref, un lieu civilisateur par excellence.»
Bonne fin d’année à tous !
Marianne A., Dans le sac de Marianne (22)
D’accord, pas d’accord: atoilhonneur@voila.fr
Marianne, fidèle de ce blog nous livre sa version des faits, sa vision du biniou et du monde. Chaque mardi, elle vide son sac !
il suffit de voir le gouffre financier que représente le fameux 1O4, qui est un véritable désert culturel mais également désertique au sens propre!!! un véritable naufrage, condamné à accueillir des commerçants pour meubler l’espace…..cet argent serait bien mieux employé ailleurs, mais c’est encore » une danseuse » non, pardon » un danseur » de notre maire-paillette
@marianne: Je reçois 5/5 votre billet mais en même temps,les artistes de rues ne savent-ils pas à quoi ils s’engagent lorsqu’ils choississent cette voie ? Les aristes de rues ne sont-ils pas, par nature, « bohème » ?
Alors ok, non a ce ministère de la culture (tel qu’il est) qui a tendnace à phagocyter toute ébauche culturelle qui ne soit pas de « masse » et oui pour aider les artistes de rues mais comment ?
Non a la politisation de la culture et aux revirements consécutifs à un changement de majorité à quelqu’échelon que ce soit mais comment faire ?
Oui, il faut soutenir et subventionner les petites salles et les initiatives culturelles hors les circuits prestigieux… mais à fonds perdus ?
@boutfil: ah ce fameux 104 ! mais chut, il ne faut rien dire c’est du Delanoé. les parisiens l’ont élu…
@ Boutfil
Il me semble, en effet que les politiques ont une responsabilité considérable dans la politique culturelle.
Je me souviens du premier adjoint RPR d’une grande ville, à qui je disais qu’il faudrait peut-être s’occuper des artistes, qui m’avait répondu : « Pourquoi faire ? Ces gens-là ne voteront jamais pour nous ! »
Et voilà comment pour des raisons électoralistes on laisse tomber tout un pan de la population, sans se soucier le moins du monde de l’intérêt général.
Car il me semble qu’écouter de la musique c’est meilleur pour le moral que de s’empoisonner avec des psychotropes, dont le Français est un grand consommateur.
Mon cher Corto, je regrette d’avoir à vous dire qu’il me semble que vous n’ayez pas très bien compris mon billet. J’en conclus que je n’ai pas été assez claire.
Je ne connais aucun artiste qui ait « choisi » d’être musicien de rue. Des artistes qui avant la modification du statut des intermittents trouvaient des petits lieux et même des théâtres pour se produire, tout à coup ont été jetés à la rue.
Mais même jouer du piano dans la rue peut revenir très cher : transport du piano, enregistrement d’un disque, communication, personne qui filme une vidéo etc. Si des bénévoles ne vous aident pas, vous ne pouvez pas vous en sortir.
C’est pourquoi bien des musiciens se reconvertissent à autre chose parce qu’ils ne peuvent vivre de leur art.
@ Marianne : tu as su exprimer mieux que je n’aurais su le faire toute la complexité qui compose aujourd’hui la vie d’un artiste.
Je dois ajouter cependant, qu’en ce qui me concerne ( et c’est très personnel) cette situation est tout à fait paradoxale. D’une part, c’est la pire des situations matérielles que je n’ai jamais connue, mais d’autre part, ce que j’ ai trouvé dans la rue est précisément ce que je recherchais depuis ma plus tendre enfance, depuis que je ne sais d’où, une voix m’a prise pour m’amener là.
Ce que je regrette et qui me rend amère, c’est qu’on laisse tomber comme ça des artistes au moment précis où leur travail et leur maturité les fait toucher du doigt l’essentiel de leur fonction. C’est un moment décisif à partir duquel tout ce joue, c’est-à-dire l »‘oeuvre » elle-même, ce qu’elle deviendra, ou pas. Sans relais, sans patience, sans soutien indéfectible (et c’est très très difficile pour tout le monde, j’en conviens) c’est l’oeuvre qui se perd. Point barre.
Alors oui, la bonne question effectivement, comme le demande Corto, c’est : mais comment faire ?
Moi, je ne sais pas. Tout ce que j’ai trouvé, c’est de faire moi-même autre chose qui pourra peut-être, un jour, faire rentrer suffisamment d’argent pour produire seule ce que je compte faire de ma musique, à savoir, des tournées sur les marchés, des interventions dans les lieux de l’enfermement….
Je ne me lancerais pas, les politiques culturelles, illustrant aussi les pratiques politiques.
Mais! Marianne, Corto, je vous souhaite de bonnes fêtes pleines de rires et de chaleur!!!
Là, yapa de clivages!!!
Bises et heureuse fin de semaine à vous!
Oui oui…mais la phrase de cette Cassandre, que l’on lit partout depuis quelques jours est proprement ahurissante, absolument fausse historiquement et sociologiquement parlant, également dans ce que vous ne citez pas de son texte et de ce qui y est dit de la rue « arabe » (au passage, on se demande du reste de quoi elle parle : des rues d’Afrique du nord, des rues Moyen-orientale, des rues turques)… Enfin bref : du grand délire !
@ Galoune
Merci d’être passée par ici et merci pour vos voeux.
Je vous souhaite de rencontrer des musiciens et artistes à chaque coin de rue en 2011 !
Vous verrez on peut faire des rencontres fantastiques.
@marianne: Non mais franchement ! bien sur que j ai bien lu et bien compris ! Il n’empêche que 1) j’ai connu des gars qui avaient choisi d’aller jouer ds la rue 2) Que le pognon de la culture n’aille pas là où on le souhaiterait, c’est dommage, mais a partir du moment où ce sont les politiques qui gèrent ce pognon, il est « logique » qu’il aille là où bon leur semble.3) le statut des intermittents modifiés ok, par qui? par des politiques ou des organisations syndicales, bref des gens élus…
Vivre de son art n’a rien d’évident cela se saurait, il faut de la persévérance , du courage, du travail, du talent (beaucoup) et un coup de chance pour « percer ». Un peu comme dans toutes les professions. Les vrais artistes de rue ou d’ailleurs le savent bien. Mais combien se bercent d’illusion en croyant ne manquer que du coup de chance ?
Je rajoute que le mari de ma nièce et intermittent du spectacle et qu’il reconnait lui-même que c’est par choix et qu’il sait parfaitement à quoi s’attendre au quotidien. Il a choisi ce coté bohème, le reconnait et avoue n’attendre rien des politiques ayant compris que ds ce domaine, il ne fallait que compter que sur soi.
@Galoune: A toi aussi, une très bonne année et tout plein de bonnes choses pour ta famille, bisous
En fait, si j’ai bien compris, mon cher Corto, ce qui s’est passé en 2003, il y a eu une tractation entre Raffarin et Chérèque, genre : « Je lâche du lest sur les infirmières, mais tu laisses tomber les intermittents. »
J’ai l’impression que le sujet des artistes met le public mal à l’aise. D’un côté, il ne sait pas comment faire pour les aider, et de l’autre il se rend compte qu’on ne lui sert de la bouillie pour chats télévisuelle, en ayant l’air de lui dire : « On sait bien que c’est de la daube, mais c’est assez bon pour vous. »
@marianne: je vous laisse répondre à Dohram, je viens juste de débloquer son com’ qui était bloqué je ne sais pourquoi.
Ca dépend ce qu’on appelle « daube ».
@ Dorham
Admettons que vous ayez historiquement et sociologiquement raison. Il n’en reste pas moins que j’ai aimé cette phrase car elle pourrait être un idéal vers lequel tendre, alors que les rues des grandes villes sont de plus en plus livrées à des incivilités voire des violences de toute sorte, que toutes nos caméras de surveillance n’arrivent pas à enrayer.
C’est vrai qu’un piano dans la rue, ça calme direct !
@Corto : ta vision des artistes me navre. Les illusions, la bohème, le désir de « percer ». Tout ça, c’est des gros clichés. Les artistes sont des gens qui bossent et qui ne demandent qu’à exercer la profession pour laquelle ils ont été formés, sans pour autant avoir envie « d’enfoncer les portes » qui mènent « sous les feux de rampe ». La question, c’est : ont-ils encore une place ?
Plus un seul musicien de ma connaissance ne parvient à vivre de son travail et tous, sauvent leur statut en achetant les cachets qui manquent pour boucler leur année, ou en allant faire les roadies sur des tournées de tête d’affiche ou sur les plateaux télé. Les gens dont je parle était des gens qui déclaraient 150 à 200 dates par an. Ils n’arrivent pas à en trouver 43 aujourd’hui. ET je ne parle pas du prix moyen des cachets…. 500 francs nets en 1990, 80 euros nets en 2010, quand tu tombes pas sur un rat et en sachant que tu peux oublier TOUTE déclaration de nos jours si tu joues dans un bar ou une petite salle de province. Quant à Paris, il faudra casser ta tirelire pour payer ta salle ou faire tourner ton chapeau dans les bistrots. Derrière ça, il y a des gens qui mangent, qui boivent, qui paient leur loyer et qui bossent comme tout le monde. Est-ce normal qu’ils en soient réduits à être payé dans des chapeaux.
Perso, j’ai préféré sortir, parce que si j’adore mon métier, je n’ai pas aucune passion pour ce milieux et la facilité déconcertante avec laquelle on vous y prend pour un con.
Oups, erreur dans le précédent commentaire. C’est 80 euros BRUTS en 2010.
@Rachel: Faut pas etre navrée ! Je te garantis connaitre quelques artistes qui bossent, qui ont gardé leur âme bohême, qui ne sont pas connus du grand public et qui pourtant gagnent bien leurs vies, certains très bien.
La où tu as raison, c’est le problème des spectacles, des concerts, des tournées qui sont, même pour des pointures de plus en plus durs à monter, organiser et rentabiliser.( Même un Noah a du mal a remplir le Stade de France )
Il y avait un article ds je ne sais plus quel journal qui expliquait très bien le truc. Pour pallier les méventes de CD, les artistes et leur agents et maison de disque se sont lancés a fond dans les tournées , les rooddies avec une inflation énorme au debut des années 2000 de concerts organisés. Dansd le même temps le prix des billets s’envolaient, le résultat ne s’est pas fait attendre: une offre pléthorique et une demande, crise aidant qui se raréfie. Fut une époque où j allais « au concert » une dizaine de fois par an maintenant je n’y vais plus guère qu’une fois, et là , ce n’est pas un pb d’artistes c’est un pb de priorités ds mes dépenses. Ce que je veux dire c’est que le problème dans ce domaine ne vient pas uniquement des pouvoirs publics, il y a tout simplement un déplacement de la demande parce que cette même dmande n’a pas le porte monnaie extensible.
Nou sommes qu’on le veuille ou non dans un monde concurrentiel et il n’ya pas de place pour tout le monde ds le portefeuille des ménages
Alors que des artistes soient payés ds des chapeaux, c’est triste, on est d’accord mais combien qui ne sont pas artistes n’ont même pas un chapeau pour bouffer ?
ps: ça me fait penser que je suis a toulouse du 31 au 3 janvier et prendre un petit café vite fait sur le pouce serait sympa , non ?
tenez c’est cadeau et superbe !
http://www.youtube.com/watch?v=QGN15bgK6K0&feature=player_embedded
Merci, mon cher Corto, c’est un enregistrement extraordinaire ! On se demande comment cela a pu se faire ? Si vous avez une idée ?
Je suis personnellement pour la suppression pure et simple du ministère de la Culture, dont les fonds seraient affectés à un organisme d’entretien et de conservation du patrimoine.
Je suis également pour que 90 % des soi-disant artistes qui polluent l’espace public crèvent la gueule ouverte faute de leurs habituelles subventions de perpétuels assistés vindicatifs.
Ou alors, qu’ils se trouvent un métier honnête.
@didier goux: oulala, j ai comme dans l’idée que vous allez gagner 2 copines ici ! Je préfère fermer les yeux que d’assister au carnage
@ Didier Goux
Je suis d’accord avec vous, il y a du souci à se faire pour une culture qui dépend d’un ministère.
Mais une amabilité en entraînant une autre, je serai assez d’accord pour que les malotrus finissent au trou, mais la gueule fermée.
D’abord, j’ai le droit de dire tout le mal que m’inspirent ces bruyants et arrogants inutiles, parfaits symboles de la modernodalité la plus pitoyable : mon beau-fils en est un. Et il sillonne la France dans MA voiture…
@ Didier Goux
Il y a longtemps que j’avais repéré en vous une victime collatérale de l’art !
De celles qui ne se croient pas dignes de faire partie de l’Olympe des artistes.
Mais il vous sera beaucoup pardonné parce que vous avez beaucoup aimé.
@ Corto : Didier Goux pense pourtant aux 10 pour cent de vrais artistes.
Le livre « Asphyxiante culture » écrit par Jean Dubuffet en 1968 m’a marquée.
Je l’ai racheté plusieurs fois (et toujours, il y a de quoi écrire dans les marges – un livre très excitant). J’y ai retrouvé ceci:
« Le premier ministère de l’information a été institué en Angleterre pendant la guerre dans un moment où est apparu utile de fausser l’information. Il n’y a plus d’information depuis que maintenant tous les États ont suivi l’exemple. Le premier ministère de la culture a été institué en France il y a quelques années et il aura et a déjà le même effet, qui est celui qu’on souhaite, de substituer à la libre culture un succédané falsifié, lequel agira à la manière des antibiotiques, occupant la totalité de la place sans en laisser la moindre part où puisse prospérer rien d’autre. »
Bon, je ne vais pas citer le livre entier. Paru aux Éditions de Minuit, peut-être peut-on encore se le procurer ?
En somme, parmi les 10 pour cent dont parle Didier Goux je me compte, tantôt « fatalitaire »(Arletty de Hôtel du Nord), tantôt batailleuse, n’ayant pas la ténacité bretonne qu’admirait tant, chez un condisciple, le narrateur juif de « La place de l’étoile » (Premier roman de Modiano.)
@ Corto : Mais bien sûr, je serais ravie.
Étant donné que je suis invitée à faire ripaille de quelques huîtres le 31 chez des amis qui ont la fâcheuse habitude de compter ce jour là une bouteille de blanc par huître, je risque de ne pas être très en forme le 1er, mais pour le 2 ou pour le trois, c’est quand tu veux et avec joie….
@ Lika
Cette citation de Dubuffet est fort intéressante et développe à point nommé mon, un peu court : « Il y a du souci à se faire pour une culture qui dépend d’un ministère. »
Ajoutons que depuis 1968, les choses ont été de mal en pis.
Que penser de ces lignées de chanteurs et d’acteurs que nous avons en France ?
Qui ressemblent à s’y méprendre aux lignées d’hommes politiques et voilà qu’il y a même des lignées de journalistes, de présentateurs télé etc.
@ Lika : Oh oui bien sûr. Asphyxiante culture, je l’avais oublié celui-là. Merci pour la piquouse de rappel. Je m’en vais de ce pas le relire et le mettre en regard avec ce que raconte Franck Lepage.
@rachel: le petit lien ci-après devrait t’interesser ( tt en précisant que je ne cautionne pas ce qui y est écrit )
http://ruminances.unblog.fr/2010/12/29/sous-le-pave/
Oui, je connais le travail que fait le Pavé et je m’y intéresse de près. C’est une entreprise très difficile qui parvient pour l’instant à fonctionner plutôt bien. Rien que pour ça, ça force mon admiration. Évidemment, tout ce qui y est développé sur l’individualisation des artistes me parle et m’aide aussi beaucoup à tenir le cap.
c’est un truc que j’adore, où que je sois…. sauf si je pense que ce sont des professionnels, autrement j’ai tjs de la monnaie pour eux !
@francis: c’est curieux mais ça ne m étonne pas de toi